Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PrÉSentation

  • : André BAUP républicain de Gauche a la Mairie d'ALBI
  • : LE BLOG DU MOUVEMENT REPUBLICAIN ET CITOYEN DU TARN
  • Contact

Texte libre


                                         
  baup.andre@orange.fr                               
                                  

Archives

Articles RÉCents

11 juillet 2008 5 11 /07 /juillet /2008 18:20

 Les aventures d'Oliver Twist

L’Europe revient au temps de Dickens

 

Si le Parlement européen ne s’y oppose pas, la durée hebdomadaire du travail pourrait atteindre 65 heures. Cette perspective suscite de nombreuses réserves.

 

Le travailleur européen est déconcerté. Le soir, il se couche avec le nouveau discours dominant : les entreprises doivent prendre en compte la nécessité de concilier vie professionnelle et vie personnelle, les pays les plus productifs ne sont pas ceux où l’on travaille le plus, les entreprises modernes veillent à la santé de leurs salariés… Le lendemain matin, dès le petit déjeuner, ce même travailleur s’aperçoit que ce ne sont là que vaines paroles. Car ce qui s’annonce, ce n’est ni plus ni moins qu’une remise en cause de sa semaine de travail et du modèle social européen.
Les Européens doivent-ils travailler davantage pour être plus compétitifs, comme les y autorise la directive adoptée le 10 juin par une majorité d’Etats membres de l’Union européenne, au grand mécontentement du gouvernement espagnol, qui promet de ne pas l’appliquer ? Les défenseurs de cette décision controversée – qui doit encore obtenir la bénédiction du Parlement européen – nient qu’il s’agisse d’une remise en cause des acquis sociaux. Les Britanniques, après quinze ans de bataille, sont parvenus à imposer l’expression à la mode free choice, ou libre choix. Selon eux, si un salarié souhaite travailler au-delà des 48 heures hebdoma­daires que fixe le cadre légal européen, pourquoi l’en empêcher du moment que cela se fait sous certaines conditions ?


La Commission européenne rappelle que l’on prend soin de ceux qui dépasseraient volontairement ce plafond de 48 heures en leur fixant une limite : de 60 ou 65 heures pour les professions devant effectuer des gardes, comme les médecins. En réalité, il ne s’agit pas d’une limite, mais d’une moyenne sur trois mois. De sorte que, si les eurodéputés n’y trouvent rien à redire, on pourrait se retrouver par exemple à faire une semaine de 78 heures !


John Messenger, chercheur au ­programme Conditions d’emploi et de ­travail à l’Organisation internationale du travail (OIT), à Genève, s’inquiète du “probable impact négatif sur la santé et la sécurité des travailleurs, et aussi sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle”, qui résulterait de la généralisation de la semaine de 65 heures. Selon l’OIT, 600 millions de personnes travaillent “de manière excessive”, c’est-à-dire “plus de 48 heures par semaine”, soit la limite établie par cette organisation il y a quatre-vingt-dix ans.


Jusqu’à quel point dépasser les 48 heures restera une exception ? “La négociation individuelle entre l’entreprise et le travailleur que prévoit la directive ne se déroule pas d’égal à égal”, note Raúl Riesco, directeur général du Travail. Le gouvernement espagnol a fait valoir qu’il continuerait de refuser un dépassement du plafond de 40 heures fixé par le Code du travail. Mais Raúl Riesco craint de voir l’Espagne “entourée de pays où les longues journées de travail deviendront la norme et qui tenteraient ainsi de capter des entreprises, au mépris du modèle européen”. “Soit on encourage la concurrence déloyale, soit on revient aux romans de Charles Dickens”, commente pour sa part Toni Ferer, secrétaire confédéral de l’Union générale des travailleurs (UGT), syndicat qui, avec les Commissions ouvrières (CC.OO), a promis de mener une “dure campagne” pour que le Parlement européen fasse barrage à cette directive. “Sans quoi, ajoute-t-il, la désaffection du citoyen européen vis-à-vis de l’Europe va atteindre des sommets.”


Les chefs d’entreprise espagnols jouent la prudence dans ce débat enflammé. “En Espagne, personne ne demande un changement de la durée hebdomadaire du travail, d’autant que la loi permet des exceptions négociées par des accords collectifs”, explique le responsable des relations du travail au sein de l’organisation patronale CEOE, Fernando Moreno. Il réclame en revanche “une plus grande flexibilité pour répartir les heures travaillées sur des périodes de calcul plus longues et aussi une meilleure adaptation aux pointes d’activité des entreprises”. Certains patrons se prononcent ouvertement en faveur de la directive, surtout dans des secteurs réputés pour leurs longues journées de travail, en particulier à certaines périodes de l’année. “L’économie européenne a besoin d’un assouplissement de la répartition du temps de travail”, estime Emilio Gallego, secrétaire général de la Fédération espagnole de l’hôtellerie. “Cette décision, comme tout changement, engendre de l’incertitude, mais elle peut être bonne pour la compétitivité.”


Les consultants en ressources humaines ne cachent pas leur surprise. “Parler de 60 heures, c’est aller à contre-courant”, fait valoir Begoña Benito, directrice générale pour l’Espagne de Watson Wyatt. “S’il s’agissait de cas ponctuels, volontaires, je trouverais ça formidable : je suis libérale. Mais, suivant la manière dont ce sera appliqué, on court le risque que les entreprises en profitent.” En Europe, le concept de “flexi-sécurité” est à la mode. “Nous sommes peut-être en train de trop mettre l’accent sur la flexi-, et pas assez sur la sécurité”, met en garde Esther Sánchez, spécialiste du droit du travail. “C’est une régression.”

 

Ariadna Trillas

El Pais


Partager cet article
Repost0

commentaires